Défilé sur le cours Jean Jaurès le 22 août 1944. Des maquisards sont sur des tanks.
© Musée de la Résistance et de la Déportation de l'Isère.

Le Théâtre de la Libération

Le débarquement de Provence le 15 août 1944 et la progression rapide des alliés contraignent l’occupant allemand à se replier. Le 22 au matin, les maquisards et groupes francs ainsi que le 1er bataillon de choc investissent la ville, rejoints par les soldats américains. Le 2 septembre, toute l’Isère est libérée.

Août 1944

Le 2 août 1944, les Américains installent leur poste de commandement à l'Hôtel Napoléon, rue Montorge. Très vite, les bataillons du 143e régiment d'infanterie doivent repartir.
Ils sont relevés par le 1er bataillon lieutenant-colonel Davidson et le 3e bataillon lieutenant-colonel Johnson du 179e régiment d'infanterie. Ils sécurisent le front nord de Grenoble. La Libération de la ville se passera quasiment sans coup de feu.

Le 14 août 1944, vers 11 heures du matin, deux résistants abattent deux soldats allemands à bout portant, à une dizaine de mètres du café de Rose Sirvin situé au 153, cours Berriat. Les représailles ne se font pas attendre. Vers 12h30, un groupe d'Allemands et de miliciens sous la direction de Guy Eclache fait irruption dans le bâtiment. Ils alignent les habitants sur le trottoir où s'est déroulé l'attentat pour obtenir des renseignements puis repartent. Vers 17h, des camions allemands arrivent à la hauteur du café Sirvin. Dans l'un d'eux, vingt jeunes gens ont été enlevés à leurs familles dans le Vercors quelques semaines auparavant dans le cadre d'un « ratissage ». Ils sont issus des maquis d'Autrans, de Méaudre et de Villard-de-Lans. Les Allemands leur crient des ordres qu'ils ne peuvent pas comprendre. Devant l'usine Bouchayer, 126, cours Berriat, cinq jeunes prisonniers sont poussés hors du camion. Ils font quelques pas avant d'être abattus du fusil mitrailleur d'un soldat allemand. Un deuxième soldat les achève d'un coup de pistolet. Par groupes de cinq, les quinze autres jeunes hommes sont fusillés à leur tour. À l'emplacement exact de leur exécution, le monument aux fusillés du cours Berriat sera inauguré le 10 septembre 1946.

À quelques dizaines de mètres de là, contre le mur des anciens établissements Bouchayer-et-Viallet, des miliciens seront fusillés le 2 septembre 1944.

Le 22 août 1944, les résistants, maquisards, membres de groupes francs et de réseaux divers descendent le cours Jean-Jaurès. Ils finissent par se regrouper place de Verdun. Devant la préfecture de l'Isère, ils affirment leur confiance et leur allégeance en la République enfin rétablie. C'est Albert Reynier qui accueille les résistants. Le Comité départemental de Libération nationale (CDLN) de l'Isère avait désigné Albert Reynier Commissaire de la République du département, un choix confirmé par le gouvernement de la France libre, à Alger. Son titre de de préfet de l'Isère lui sera officiellement donné quelques jours plus tard, le 28 août.

À la Libération, la mairie de Grenoble est encore installée dans les locaux de l'Hôtel de Lesdiguières (à ne pas confondre avec l'hôtel Lesdiguières, cours de la Libération), qui jouxte le Jardin de Ville. Les nouvelles autorités tiennent à marquer symboliquement la rupture avec le régime de Vichy. Les initiales PP (pour Philippe Pétain) qui ornaient les hampes des drapeaux et les papiers officiels sont remplacées par le monogramme RF, pour République Française. La formule vichyste "Travail, famille, patrie" est effacée des frontons des bâtiments publics et la devise "Liberté, égalité, fraternité" rétablie. Le protocole républicain est restauré. À la place de la francisque, la figure de Marianne, dont les bustes étaient systématiquement brisés par les miliciens, retrouve sa place dans les mairies et les institutions officielles. Sur le parvis de l'ancien Hôtel de Ville, des plaques seront apposées après la guerre pour rappeler l'action des hommes du 1er bataillon de choc, les premiers à entrer dans la ville le 22 août 1944, jour de sa Libération, et celle des troupes américaines.

Le 26 août 1944, on découvre par hasard une fosse commune à proximité du polygone d'artillerie, chemin des Buttes. L'ouverture du charnier met au jour vingt-cinq corps dans des états abominables. Les victimes ont été exécutées par les Allemands le 11 août 1944. Deux jours plus tard, le 28 août 1944, un second charnier est découvert à côté du premier. Il renferme vingt-trois personnes qui ont été fusillées plus tôt, le 13 juillet 1944. Seules vingt-neuf des quarante-huit victimes ont pu être identifiées par les familles et les amis. Parmi elles se trouvent notamment les corps du père Yves de Montcheuil, théologien jésuite lyonnais, arrêté à la grotte de la Luire dans le Vercors, de Georges Martin, célèbre rugbyman voironnais ou encore de Georges Marrou, ouvrier syndicaliste de la Viscose.

En attendant la mise en place d'une cour de justice, une cour martiale est créée par le préfet de l'Isère. Elle siège au palais de justice de Grenoble et juge publiquement ceux qu'on appelait alors les "traîtres". Le 2 septembre 1944, elle se réunit pour la première fois pour juger dix miliciens arrêtés par la Compagnie Stéphane à Saint-Martin-d'Uriage. Malgré la demande de grâce du capitaine Stéphane, six sont condamnés à mort et fusillés cours Berriat le jour même.

Le 5 novembre 1944, le général de Gaulle, chef du gouvernement provisoire de la République française, vient à Grenoble. Après avoir remonté le boulevard Gambetta au milieu d'une foule exaltée, il passe les troupes en revue boulevard Maréchal-Foch. C'est place Pasteur, devant la Maison des Étudiants, lieu de la manifestation et des arrestations massives du 11 novembre 1943, qu'il remet au maire provisoire de la ville, Frédéric Lafleur, la croix de la Libération, ainsi qu'à Eugène Chavant, chef civil du Vercors.