Portrait de Cassandra Joly.
© Sylvain Frappat

Cassandra Joly, porteuse de la flamme des jeux paralympiques pour Grenoble

A l’occasion des célébrations du 80e anniversaire de la Libération de Paris (24 et 25 août 2024) la flamme des Jeux paralympiques entrera à Paris le 25 août après-midi. La Ville de Paris a proposé que les relayeuses et les relayeurs de la flamme sur ce tronçon mémoriel soient des jeunes issus des cinq communes "Compagnon de la Libération". C'est une jeune fille de seize ans qui portera la flamme pour Grenoble.

Patrimoine et Histoire

Par Anne Maheu, publié le 23 août 2024

Article
Qu’est-ce qui vous a amenée à participer à cette manifestation ?

J’ai été contactée par la Ville de Grenoble après le désistement de l'athlète paralympique Florian Jouanny très pris par ses entraînements à la veille du démarrage des Jeux le 28 août. L’Adjoint au Maire, Emmanuel Carroz, a pensé à moi car je participe souvent aux commémorations grenobloises de la Seconde Guerre mondiale ; c’est moi qui dépose les gerbes de fleurs.

Qu’attend-on de vous et comment vous préparez-vous ?

Je dois participer au relais le long de l’avenue du Général Leclerc, à Paris, et courir sur une distance de deux cents mètres, la flamme portée à bout de bras. Je suis très émue de représenter Grenoble et impressionnée par cette manifestation. Je me prépare mentalement et aussi un peu physiquement car la flamme pèse un kilo. Je suis très excitée d’aller pour la première fois à Paris.

Depuis quand vous impliquez-vous dans les commémorations ?

J’ai commencé à m’impliquer dans les commémorations et les cérémonies il y a deux ans, après la mort de mon arrière-grand-père maternel. Il a été arrêté par l’armée allemande en 1944 et interné au camp d’internement de Compiègne, un camp de transit nazi. Son père était communiste et résistant ; ils ont été dénoncés auprès des Allemands qui les ont arrêtés tous les deux en raison de leur appartenance politique. Mon arrière-grand-père avait à peine dix-sept ans.

Le camp d’internement de Compiègne était aussi un camp de triage d’où sont partis de nombreux trains vers les camps de concentration et d’extermination. Mon arrière-grand-père et son père ont eu de la chance si on peut dire car, étant charpentiers, ils ont été employés à fabriquer des barrières autour du camp et n’ont donc pas été déportés à leur arrivée. A trois reprises ils ont été désignés pour partir en déportation, et sont même montés dans un train mais pour des raisons différentes dont un sabotage sur la voie, ils ne sont pas partis. Mon arrière-grand-père a été libéré grâce au Débarquement sept mois après son internement.

Comment vivez-vous votre implication dans ces moments-là ?

Cette période historique m’intéresse depuis longtemps car ma mère faisant partie de la FNDIRP (Fédération nationale des Déportés, Internés, Résistants et Partisans), nous en parlons ensemble. Mais, je me suis intéressée de plus près à l’histoire de mon arrière-grand-père lorsque ma mère a fait des recherches après sa mort – il ne voulait pas nous raconter ce qu’il avait vécu –. Cela me semble important de se souvenir et c’est pour moi une manière de rendre hommage à tous ceux qui ont donné leur vie ; lorsque je dépose des gerbes, je pense beaucoup à mon arrière-grand-père.

Avez-vous déjà visité un camp de concentration ?

Au printemps dernier, j’ai participé à un voyage de la section martinéroise de la FNDIRP en Autriche, Allemagne et France ; nous sommes allés visiter des camps (Mathausen, Flossenburg et Natzweiler-Struthof) ainsi que Nuremberg. C’était très émouvant et impressionnant ; d’ailleurs, je n’ai pas eu la force d’entrer dans les fours crématoires. La visite de Nuremberg a été passionnante grâce au guide, mais aussi parce qu’elle nous a permis de voir la folie mégalomane de Hitler ; certains édifices ont été construits avec les pierres des carrières des camps, avec la sueur et la souffrance des prisonniers. Cela m’a beaucoup touchée.

Qu’est-ce que le « devoir de mémoire » pour vous ?

Le devoir de mémoire c’est transmettre ce qui s’est passé aux générations futures ; c’est un devoir intergénérationnel, pour ne pas oublier et apporter la connaissance aux jeunes générations afin qu’elles puissent transmettre. Je me sens responsable de transmettre à mon tour. Cette phrase d’Elie Wiesel est très importante : « Le bourreau tue toujours deux fois, la seconde fois par l’oubli. »

Et enfin, que signifie pour vous le fait de porter la flamme des jeux paralympique ?

Je trouve important de défendre le handicap par l’olympisme et de le mettre en valeur. Il est très important de défendre les personnes vulnérables. Cette année, la flamme paralympique est allumée au Royaume Uni dans l’hôpital de Stoke Mandeville créé par le docteur Ludwig Guttmann, un médecin juif allemand, neurologue, qui a échappé aux nazis. Il a créé en quelque sorte, les premiers jeux paralympiques en 1948. Je suis fière de porter cette flamme.