Comment repenser notre rapport à la montagne avec un Donut ?

L’hiver arrive et l’impatience grandit face aux multiples activités proposées par les territoires de montagne. Bien que les publicités affichent des paysages enneigés, la neige est un phénomène qui devient de plus en plus rare, réservé aux territoires de haute altitude. La montagne « terrain de jeu » est particulièrement ancrée dans nos modes de vie, considérée comme un espace de loisirs, de pratiques sportives. Mais toutes ces pratiques ont des impacts environnementaux et sociaux, et ne disent rien de la nécessité d’aménagements continus pour attirer toujours plus de publics. Il devient urgent de préserver la montagne, face aux chutes de pierres, fonte des glaciers, événements météorologiques extrêmes, perte de la ressource en eau, pollution de l’air, …

Le Donut de la montagne, un outil de visualisation issu de la théorie du Donut

Le Donut de la montagne est une infographie inspirée de la théorie du Donut appliquée aux écosystèmes de montagne.

La théorie du Donut propose un nouveau modèle économique. Ce modèle cherche à satisfaire les besoins fondamentaux de toutes et tous (plancher social), dans le respect des limites planétaires (plafond environnemental). Il s’agit alors d’exercer nos actions dans un espace qui ne dépasse pas les limites planétaires et qui n’impacte pas les besoins fondamentaux.

Le Donut de la montagne présente ainsi différents enjeux environnementaux et sociaux des écosystèmes de montagne, leurs conséquences et leurs impacts sur le vivant et les sociétés humaines. C’est un outil de visualisation qui apporte une image synthétique des enjeux environnementaux et sociaux propres aux Alpes. Quelques chiffres clés permettent d'illustrer les bouleversements écologiques actuels en altitude, ainsi que les activités humaines qui sont aujourd'hui très dépendantes de ces milieux, et donc directement impactées par tous ces changements.

C'est une invitation à mieux comprendre ces écosystèmes par une approche écologique tout en questionnant l'avenir de ces grands espaces d'altitudes.

La montagne « terrain de jeu » : quels enjeux ?

La ville de Grenoble est située entre trois grandes chaînes de montagnes : Vercors, Chartreuse et Belledonne. La montagne fait donc partie de l’identité de Grenoble. Une part importante de sa population fréquente régulièrement ces espaces pour y pratiquer toutes sortes d’activités, sportives, culturelles, ludiques. Pourrait-on alors, par l’échange, la discussion, la culture, l’art, voir la montagne de manière plus sensible, plus fragile, une montagne qui accueille nombre d’habitants humains et non-humains ? C’est ce que l’outil Donut propose : un outil d’échange et de questionnement pour revoir nos rapports à la montagne.

C'est une manière indirecte d'aborder les enjeux de transition écologique en s'intéressant d'abord à un espace physique et géographique que la population grenobloise côtoie au quotidien, de près ou de loin.

Les montagnes sont de véritables espaces de vie à part entière qu'il est totalement possible et intéressant d'observer à travers la loupe du Donut. Les écosystèmes alpins sont en effet un objet d'étude particulièrement pertinent dans la mesure où ils concentrent à la fois un large éventail d'enjeux environnementaux et sociaux, et dont les conséquences et les impacts sont souvent encore plus critiques que dans les vallées. Le changement climatique y est plus marqué tout comme ses multiples conséquences sur :

• le cycle de l'eau et l'augmentation des risques naturels
• l’artificialisation des sols et l'étalement urbain d'autant plus critiques que de nombreuses espèces endémiques vivent dans ces écosystèmes fragiles
• l'indispensable redirection des activités économiques largement dépendantes du tourisme hivernal pour réorienter les emplois liés, et améliorer l'attractivité annuelle tout en réduisant les pressions anthropiques sur les milieux naturels
• ou encore les conflits d'intérêts et d'usages sur les ressources telles que l'eau ou les sols, qui vont être de plus en plus sous tension dans les années à venir.

En parallèle, les montagnes sont des écosystèmes résilients où les expérimentations à petite échelle permettent parfois de réagir plus rapidement aux bouleversements environnementaux en réinventant notre manière de vivre avec et dans ces milieux naturels. Ce sont des laboratoires d'observation et d'expériences particulièrement inspirants pour penser l'urgence écologique actuelle !

« La totalité des glaciers des Alpes est menacée de disparition, et ce dès 2050 pour les petits glaciers »*

Un outil pour informer, sensibiliser, engager la discussion

Le développement de l’outil Donut a pour premier objectif d'informer et de sensibiliser le grand public sur ce qui se joue actuellement dans les écosystèmes alpins. L'objectif est également de questionner les pratiquantes et les pratiquants sur leur usage actuel et futur de la montagne. Comment réinventer et modifier la manière de "vivre la montagne" face aux constats alarmants et aux évolutions inévitables des écosystèmes de moyenne et haute altitude ? Cet outil a vocation à s'adresser à toutes celles et ceux qui pratiquent la montagne, quel que soit leur degré de connaissance des enjeux environnementaux et sociaux abordés.

Les pistes d’évolution de cet outil

Le Donut de la montagne pourrait encore aller plus loin, en mettant l'accent sur les interdépendances qui existent entre les différentes dimensions environnementales entre elles d'une part, et avec les dimensions sociales d'autre part. Cela permettrait d'approcher la complexité des enjeux à l'œuvre et d'adopter une approche plus systémique.

Il serait par exemple intéressant de développer la dimension interactive et participative de l'outil. On pourrait faire appel au vécu et à l'expérience des participantes et des participants dans le cadre d'un atelier dédié. Ou avoir une approche ludique en proposant des quiz ou devinettes pour coconstruire le visuel en collectif et mettre l'accent sur des données clés.

L'échange et le débat seraient alors pertinents pour confronter les points de vue et les opinions sur tous ces sujets. En effet, les enjeux soulevés dans le Donut de la montagne soulèvent des questionnements particulièrement profonds sur nos modes de vie et nos activités humaines de manière plus générale, ce qui appelle une réflexion collective.

Enfin, il serait important d'aborder des pistes de solution pour comprendre les différents enjeux et faire face à leurs conséquences et impacts. Il faudrait pouvoir représenter les différents groupes d'intérêts humains et non-humains de manière à adopter une vision plus objective et inclusive. L'intérêt d'une telle démarche serait de faire appel à l'imagination pour inciter les personnes à se projeter dans un autre futur, et dessiner ce à quoi pourrait ressembler nos vies dans les montagnes demain. Sans se cacher la complexité de la mise en œuvre. L'enjeu ici est le changement de comportements à l'échelle individuelle et collective pour modifier notre pratique de la montagne.

Un outil utilisé dans le cadre des rencontres Ciné Montagne 2024

Un peu plus de 450 personnes se sont arrêtées devant le Donut de la montagne pendant l'événement pour lire le visuel ou échanger sur les différents sujets abordés. La réception par le public a été très bonne avec beaucoup d'intérêts, de questionnements, de constats partagés et d'inquiétudes.

Certaines personnes ont parlé de leur expérience personnelle de ces enjeux ou de la nécessaire modification de notre manière de vivre la montagne aujourd'hui. Globalement, l'impératif de revoir notre approche de la montagne était partagé, même si les pistes d'action restent encore assez limitées à l'échelle individuelle, et floues à l'échelle collective.

Les dimensions transversale et pédagogique ont été particulièrement appréciées. Il y a eu plusieurs demandes d'animation de cet outil dans des milieux fréquentant régulièrement la montagne ou œuvrant dans la sensibilisation (Club Alpin Français, Grenoble Université Montagne) ainsi que d'autres acteurs territoriaux importants comme des entreprises ayant une activité ou pas en lien avec les milieux alpins.

A suivre donc … !

*Source : le réseau action climat France