Portrait de Pierre André Juven
© Sylvain Frappat

ZFE : «Nous aurions aimé aller plus loin»

Pierre-André Juven, adjoint à la santé, a répondu aux questions de Gre.mag concernant la mise en place de la Zone à Faibles Emissions (ZFE).

Urbanisme

Par La Rédaction, publié le 1 sept. 2023

Article

En quoi une Zone à Faibles Émissions est-elle utile ?

Agir sur la qualité de l'air est avant tout une politique de santé publique et de justice sociale. À Grenoble, la pollution a deux origines majeures : le chauffage au bois dysfonctionnel et le transport. Si on veut lutter contre la pollution de l'air, il faut réduire le nombre de voitures et de deux-roues motorisés.

Les enfants qui ont un organisme en formation respirent un air pollué parce qu'on refuse de se défaire de cette addiction à la voiture. Rappelons aussi que cette pollution cause environ 300 décès par an dans l'agglomération. Sans oublier toutes les pathologies chroniques : asthme, maladies cardiovasculaires, cancers...

Sur quoi se base-t-on pour la mise en place d'une ZFE ?

Les politiques publiques s'appuient sur des études scientifiques : à Grenoble, nous avons bénéficié de la plus grande étude française et européenne qu'est l'étude MobilAir(1) conduite par Rémy Slama(2). L'enjeu n'est pas de remplacer une voiture par une autre voiture, c'est de transformer fondamentalement nos façons de nous déplacer, de nous adapter en fonction des contraintes et des possibilités des un-es et des autres.

Ça veut dire favoriser les modes de déplacement actifs, marche et vélo, et prendre les transports en commun. Après, il y a des cas de figure où la voiture est la seule possibilité, et il faut aller vers des véhicules qui sont moins toxiques.

Quelle est la position de la Ville sur cette ZFE pour les particuliers ?

La ZFE est l'un des outils qui peut permettre d'agir concrètement sur la santé des habitant-es, surtout les plus vulnérables. C'est déjà le cas avec la ZFE pour les professionnel-les que nous avons mise en place en 2019. Nous avons donc pesé pendant plusieurs années, au sein de la Métropole, du syndicat de transports, des différents ministères pour que cette ZFE pour les particuliers accompagne au mieux les moins aisé-es et propose des alternatives de transport en face.

Nous aurions aimé aller plus loin. De notre point de vue, nous avions l'occasion de réellement révolutionner les mobilités à l'échelle du bassin de vie, en articulant ces contraintes sur l'automobile avec des vraies solutions de transport en commun pour toutes et tous, en pensant à la qualité de l'air mais aussi à la réduction de l'empreinte carbone du territoire. Mais la Ville de Grenoble ne décide pas seule.

Le dispositif tel que celui actuellement en place depuis juillet est le fruit du renoncement de l'État à accompagner les territoires d'une part, et d'un compromis entre les communes et la Métropole d'autre part. Même si ce compromis est très insatisfaisant car les Grenoblois-es sont les premiers impacté-es par la pollution, dont acte, nous pensons désormais à la suite.

Et quelle est-elle ?

Tout d'abord, faire connaître au mieux les aides qui s'offrent aux habitant-es, avec notamment une possibilité de bénéficier de 1 000€ par an pour chaque foyer, sous plafond de ressources, qui se sépare de son véhicule afin de passer au vélo, aux transports en commun ou à l'autopartage. La Ville agira aussi financièrement en 2024 pour faciliter les mobilités des plus modestes.

Ensuite, travailler pour que l'État abonde les aides, pour que le syndicat de transports finance bien les projets de transports qu'il s'est engagé à faire dans le cadre du plan de déplacement urbain (PDU) et pour que la ZFE soit de plus en plus ambitieuse, avec une date claire de sortie du diesel mais aussi de l'essence. Il faut donner de la visibilité aux habitant-es. Enfin, alerter sur la nécessité de lier les enjeux de qualité de l'air avec les enjeux climatiques.

Aujourd'hui, les ZFE et les vignettes Crit'Air n'intègrent pas suffisamment les émissions de CO2 qui dérèglent le climat et qui sont liées notamment au poids des véhicules. Or, celui-ci augmente fortement depuis plusieurs années avec le «tout-SUV». C'est un enjeu national.

Comment la Ville agit-elle autrement pour améliorer la qualité de l'air ?

La ZFE ne fait pas tout, loin de là. La Ville travaille étroitement avec la Métropole sur la définition de programmes des espaces publics. Nous travaillons pour plus de Chronovélo et de pistes cyclables, plus de transports en commun, le prolongement des lignes de tram, les places aux enfants sans voiture.

La façon de faire la ville évite aussi de prendre la voiture : il faut réfléchir à la proximité de l'espace végétalisé, de l'habitat, de l'école, des lieux de vie, des commerces de bouche – comme à Flaubert par exemple -, des transports en commun et des pistes cyclables...

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