Pourquoi avoir choisi la montagne comme environnement de prédilection ?
Je suis arrivé à Grenoble en 2016 pour le travail mais aussi parce que c'est une ville entourée de montagnes. La montagne est belle et j'aime beaucoup parcourir du regard les crêtes et les arêtes. Prendre de l'altitude permet d'observer une variété de paysages et une diversité géologique. Mon travail a aussi un lien avec la montagne : l'eau descend de la montagne et je travaille sur des ouvrages en Vanoise, en Oisans, etc.
Par ailleurs, je pratique beaucoup d'activités de montagne, comme le ski de randonnée, l'alpinisme, le parapente... Des activités qui permettent de gravir : quand c'est tout plat, je ne suis pas bien ! Cela me passionne tellement que j'ai le projet de devenir guide de haute montagne.
Vidéo. Le rêve d'être guide de haute montagne
Vous militez pour plus d'accessibilité autour de la montagne. Cela concerne aussi les films diffusés dans des festivals de montagne et d'aventure.
Oui, depuis un an, je souhaite m'attaquer à cette injustice. C'est un investissement complet de ma part. Environ 70% des sites Internet ne précisent pas si les films sont sous-titrés. Seules 13% des 928 projections sont explicitement sous-titrées, quasiment que des films étrangers. Les images sont magnifiques mais ce n'est pas suffisant : il faut pouvoir comprendre le discours. Et j'essaie de faire bouger les lignes pour les personnes sourdes et malentendantes.
Comment vous y prenez-vous ?
J'ai d'abord fait un état des lieux sur une quarantaine de festivals français. J'ai ensuite fait une synthèse des faits que j'ai pu observer. J'ai ensuite publié les chiffres les plus parlants sur les réseaux sociaux pour faire réagir. Je sollicite aussi beaucoup les organisateurs de festival pour les inciter à agir. Je compile les réactions et je valorise les festivals qui s'engagent ; six cette année, dont les Rencontres Ciné Montagne à Grenoble ou Femmes en montagne à Annecy. J'ai aussi l'occasion de prendre la parole lors d'événements.
En règle générale, j'essaie de mettre en valeur le fait que l'accessibilité n'est pas une contrainte mais une richesse. Il y a 6 millions de personnes sourdes et malentendantes en France.
Ce chiffre va augmenter au vu de la population vieillissante, les maladies et l'exposition aux bruits forts. C'est autant de personnes que les festivals ne touchent pas. En faisant des efforts, les festivals ont tout à gagner et rien à perdre. Jusqu'à maintenant les combats sociaux ont demandé beaucoup d'énergie et ça en demandera toujours. La méthode est bonne puisque les personnes commencent à prendre conscience du problème.
Visionner le discours de Arnaud Guillemot lors des Rencontres Ciné Montagne 2023 :
Ce combat, vous le menez aussi sur les cimes, puisque vous rêvez de devenir guide de haute montagne ou plutôt le premier guide de haute montagne sourd en France ?
«Les festivals sont un peu les laboratoires de la société car c'est là où l'on peut distiller les changements : plus d'accessibilité en montagne et plus d'accessibilité dans la société tout court. On a tout à apprendre de l'autre.
En montagne aussi, on trouve toujours une solution technique qui peut également servir aux personnes valides. Il faut pouvoir communiquer mais parfois le son ne peut pas porter et j'utilise des « codes » grâce à la tension de la corde qui relie deux personnes. J'utilise aussi le langage non verbal. J'observe beaucoup la personne qui m'accompagne.
C'est tout l'objet de ma démarche. Je veux convaincre les valides qu'une personne sourde peut devenir guide de haute montagne. À ma connaissance, il n'en existe pas encore. Ce n'est pas une difficulté car on trouve toujours des solutions. Et je mets de l'énergie pour faire bouger les limites administratives.
Pourquoi est-ce que je ne pourrais pas faire ça ? Pour moi, la question qu'il faut se poser concernant les personnes en situation de handicap n'est plus « Qu'est-elle capable de faire ? » mais plutôt « Peut-elle prendre des responsabilités et surtout dans les métiers à risque ? ». Il y en a qui ne s'imaginent même pas que ce soit possible. Car il y a toujours cette idée de surprotection. En un an, j'ai fait changer d'avis six festivals et j'espère bien réussir ces épreuves pour accéder à la formation du guide, qui sont toutes éliminatoires.