Anne-Marie Lerme-Mingat (à droite) et sa mère entourant Felicia Przedboski, enfant juive cachée, à Domène.
Anne-Marie Lerme-Mingat (à droite) et sa mère entourant Felicia Przedboski, enfant juive cachée, à Domène.

© ©Coll. Musée de la Résistance et de la Déportation- Département de l’Isère

La guerre, le régime de Vichy et les femmes

Pour le régime de Vichy (1940-1944), dont le programme politique s’inscrit dans la trilogie «Travail, Famille, Patrie», les femmes doivent être avant tout des mères de famille prolifiques. Le régime limite leur accès au travail et les femmes mariées sont renvoyées dans leurs foyers. L’avortement «crime contre l’État» est puni de la peine de mort et certaines femmes, considérées comme potentiellement dangereuses pour le régime, sont placées, comme les hommes indésirables, dans des camps d’internement.

Patrimoine et Histoire

Par Anne Maheu, publié le 29 févr. 2024

Article

Les Résistantes sont une minorité dans la minorité résistante, décrit Françoise Thébaud, historienne spécialiste de l'histoire des femmes et du féminisme. Après l'armistice du 22 juin 1940 et le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain par l'Assemblée nationale, la France occupée dispose d'un régime politique autoritaire : le régime de Vichy, ville où siège le gouvernement.

Ce régime collabore avec l'Allemagne nazie, dirigée par Hitler depuis 1933. Toutes les mentions "République" disparaissent des documents officiels. La fin de la IIIe République est actée, bien qu'un régime républicain provisoire - la France libre - se soit constitué sous l'impulsion du général de Gaulle à la suite de son appel du 18 juin. L'idéologie du régime de Vichy, xénophobe et antisémite, est proche de celle des nazis. Les femmes doivent être des mères de familles nombreuses.

Si la fête des mères existait déjà, Pétain en fait une fête officielle et demande aux enseignant-es de la préparer dans les écoles. En France, le nombre d'enfants par famille est peu élevé depuis la fin du XIXe siècle et la part des femmes dans la population active est relativement importante, relate l'historienne.

Le régime de Vichy prend des mesures pour limiter le travail des femmes en renvoyant les femmes mariées à la maison, mais il se heurte aux réalités du moment : un important besoin de bras se fait sentir du fait du nombre élevé de prisonniers en Allemagne après la défaite de juin 1940 (1,5 million), puis du STO (Service du travail obligatoire) effectué en Allemagne.

Le quotidien des femmes sous l'Occupation est marqué par des pénuries très fortes, y compris alimentaires, l'Allemagne pillant le pays. Cette situation politise le quotidien et pousse des femmes à s'engager.

Les femmes résistantes : une minorité dans la minorité

L'action des femmes dans la Résistance consiste le plus souvent à cacher, nourrir, héberger, tâches fondamentales mais traditionnellement féminines. C'est pourquoi, à la Libération, toutes ne revendiquèrent pas des actes qui leur paraissaient normaux ; elles ont pourtant subi la répression, au même titre que les hommes.

Les Allemands n'osent pas exécuter les femmes prisonnières en France contrairement aux hommes, et les envoient en Allemagne où elles sont décapitées, évoque Françoise Thébaud. Au sein de la Résistance (1 à 2 % de la population), il y a égalité dans la camaraderie, mais les rôles restent sexués. La plupart des femmes assument les tâches de secrétariat sans oser écrire articles de journaux ou tracts. Elles assurent la logistique, l'alimentation et l'hébergement.

Certaines sont agentes de liaison : elles profitent au début des stéréotypes de genre pour transporter des tracts dans un landau ou un cabas à provisions, où les occupants n'ont pas idée de fouiller. Cette activité devient vite très dangereuse, la répression devenant féroce quand la Résistance multiplie les «coups» et les actes de sabotage.

Après la Libération

À la Libération, il y a une sous-évaluation de l'action des femmes due à leur grande modestie pour être honorées. Il y aura seulement six femmes Compagnons de la Libération, choisies par le Général de Gaulle pour avoir, pour la plupart, combattu les armes à la main. Les femmes collaborationnistes deviennent des boucs émissaires. Souvent engagées dans l'extrême-droite avant la guerre, elles ont été des collaboratrices politiques (délation, écrits antisémites, soutien à la milice, participation à des séances de torture...), pas seulement des amoureuses de soldats allemands.

Elles subissent un traitement différent des hommes. Si elles sont jugées comme ces derniers par les tribunaux de l'épuration, elles ont souvent été auparavant tondues, façon de porter atteinte à leur féminité et de les soumettre à la risée populaire. Le phénomène des tontes est massif (environ 20 000 femmes), présent dans la plupart des régions et intervenant à la fois lors de la libération du territoire (à Grenoble dès le 22 août 1944) et du retour des prisonniers et prisonnières déporté-es au printemps 1945.

«Par cet acte que nous qualifierions aujourd'hui de sexiste, la société française tente de reconstruire une identité nationale et les hommes, vaincus en 1940, une identité virile», pointe Françoise Thébaud.

Égalité des sexes ?

Les Françaises obtiennent les droits politiques, revendiqués de longue date, par l'ordonnance du 21 avril 1944 sur l'organisation des pouvoirs publics à la libération du territoire (art. 17) et le préambule de la constitution de la IVe République inscrit le principe d'égalité des sexes. La société reste cependant dominée par les hommes. L'avortement n'a jamais été autant réprimé que dans les années d'après-guerre : il fallait que la France se repeuple.

Avorteurs et faiseuses d'anges sont lourdement condamné-es. Les historiennes et historiens s'accordent à considérer que si le régime de Vichy crée une rupture avec la République, il s'inscrit dans une certaine continuité en matière de politique familiale et nataliste, de la IIIe à la Ve République jusque dans les années 1970. L'accès à la contraception et à l'avortement libre et gratuit n'aura pas été simple en raison du consensus nataliste qui se prolonge depuis la fin de la guerre.

Une table ronde sur les résistantes

Françoise Thébaud est historienne, spécialiste de l'histoire des femmes et du féminisme. Professeure émérite de l'Université d'Avignon, elle vient de codiriger Les Féminismes : une histoire mondiale, 19e-20e siècle, éditions Textuel.

Elle sera à Grenoble le 24 septembre pour une table ronde sur les résistantes pendant la Seconde Guerre mondiale avec l'historienne Catherine Lacour-Astol et l'historien Olivier Vallade.

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